C’est l’histoire d’une ferme traditionnelle en Ardenne. Située près du centre de Porcheresse, un village de 270 habitants, le bâtiment, de la fin du 16ème siècle, est en pierre et colombages. L’habitat, la grange et l’étable sont dans le même corps de logis. Les murs sont patinés par le temps et traversent les époques. Comme celle, troublée, de la première guerre mondiale où, en août 1914, cette ferme est une des seules habitations non-incendiées du village.
Entrepreneur spécialisé en éco-construction et en enduits naturels (argile, chaux, etc.), Luc Vanommeslaeghe et sa famille sont les voisins de cette propriété. Au fil des années, ils voient le bâtiment se dégrader peu à peu faute d’entretien. Et lorsqu’il est mis en vente, ils n’hésitent pas très longtemps et l’achètent : « L’idée première c’était de pouvoir restaurer et de sauvegarder le patrimoine. Des bâtiments comme ça, il n’y en a plus beaucoup. »
Cependant, au moment de l’achat, le bâtiment est presque à l’état de ruine. De nombreuses parties du toit ne possèdent plus d’ardoises et sont rafistolées avec de la tôle. Les planchers intérieurs sont atteints par la pourriture. Les châssis datent de Mathusalem. L’électricité et les sanitaires, inexistants.
Après une solide réflexion sur la meilleure manière de réaliser ces travaux, Luc commence par faire appel à un charpentier, avec la volonté de conserver au maximum le bois d’origine. C’est un gros chantier qui durera plus de 6 semaines. Toute la charpente doit être démontée et rénovée. A l’origine, l’ensemble des murs de la maison étaient réalisés selon la technique du colombage (les vides de la charpente sont comblés, généralement avec un mélange terre et paille), mais au fil du temps, la matière remplissant les vides de la charpente a été remplacée par des briques. Qu’à cela ne tienne… Luc décide de rénover la façade avant de manière traditionnelle, avec des éclisses de chêne et un mélange terre-paille préparé sur place. Deux autres murs sont aussi refaits en technique colombage, mais les interstices sont cette fois remplis avec du béton de chanvre, sous formes de blocs, ou banché. Enfin, Luc laisse telle quelle la dernière façade empierrée, qui est en bon état.
Les murs, en pierre, font 60 cm d’épaisseur. Afin d’isoler davantage la structure, Luc opte pour un doublage intérieur en blocs de chaux-chanvre, isolants et excellents régulateurs d’humidité. Ceux-ci seront enduits à la chaux blanche, afin d’apporter un peu de clarté en interne, vu la taille réduite des fenêtres.
Le toit est réalisé en ardoise naturelle, un chantier qui prendra 2 semaines. Il est isolé par 17 cm de paille tassée dans l’épaisseur des chevrons. En dessous, un panneau de fibres de bois de 6 cm complète l’isolation, et au-dessus un pare-pluie en fibre de bois veille à protéger la paille des intempéries.
Les sols non cavés seront creusés à une profondeur de 45 cm. Un lit de gravier et du verre cellulaire en vrac seront versés et une dalle de chaux sera coulée sur l’ensemble. Les sols cavés feront l’objet d’un traitement différent : les anciens planchers enlevés, un caisson sera construit autour des poutres via des panneaux de fibres de bois et remplis avec 23 cm de liège en vrac.
De nouveaux châssis sont placés. En accord avec le style du bâtiment, ils sont en chêne. Pour respecter les normes énergétiques, ils sont en double vitrage, coefficient de déperdition thermique 1.1.
Au niveau des techniques, les sanitaires et électricité sont refaits entièrement et une citerne d’eau de pluie de 20.000 litres est placée. Elle sert à tous les usages domestiques (lessive, vaisselle, toilettes, jardin). Les toilettes sont classiques à l’étage mais sèches au rez-de-chaussée. Un choix lié à une envie de geste positif envers l’environnement.
Vingt panneaux photovoltaïques alimentent le logement en électricité et permettent même de recharger le véhicule électrique du propriétaire.
Ardenne oblige, le chauffage est au bois. Un poêle de masse, réalisé par le propriétaire, permet avec une flambée le soir de tenir 24h. L’habitation est cependant assez longue et un deuxième poêle à bois, plus petit, est installé à l’autre bout pour compenser l’éloignement du chauffage principal. C’est un poêle-bouilleur qui alimente 3 radiateurs en fonte et chauffe un ballon de 150 litres d’eau sanitaire.
Ce chantier a également permis au propriétaire (entrepreneur en éco-construction, rappelons-le) de découvrir de nouvelles techniques : « C’était la première fois que je travaillais sur des colombages et avec des blocs en béton de chanvre. Intéressant et utile car cela m’a servi rapidement par la suite sur un autre chantier. »
Même si la réalisation n’est pas la plus performante du point de vue des normes énergétiques, elle a tout de même permis de sauvegarder et d’actualiser de belle manière une habitation traditionnelle. Il a fallu ici jongler avec des compromis nécessaires, bien que la réalisation soit soignée, comme l’exprime le sens du détail dans la mise en œuvre : « Pour obtenir une bonne étanchéité à l’air, nous avons ajouté un doublage des colombages à l’aide de panneaux de fibres de bois. »
Dernier point, témoin du respect du cachet originel : les joints de maçonnerie ont été réalisés en sable rose, typique de la localité.
Type de bâtiment : Habitat individuel (avec partie professionnelle)
Localité : Porcheresse (Belgique)
Surface du bâtiment : 279 m2
Date de construction initiale : Fin XVI siècle – début XVII siècle
Date de rénovation : 2013 à 2017
Architecte : Emeline Incoul
Entreprise(s) ayant collaboré au projet :
Charpentes Lebrun
Chotoit sprl
Isolants utilisés et épaisseur :
Toit : paille en vrac (17 cm)
Murs en pierre : blocs de béton de chanvre (12 cm)
Murs en colombages intérieurs : béton de chanvre (20 cm)
Murs en colombages extérieurs : blocs de béton de chanvre (15 cm)
Plancher : liège en vrac (22 cm)
COPYRIGHT : Luc Vannomeslaeghe