Située à Loos en Gohelle, dans un quartier typique de l’habitat minier, cette maison de maître de belle prestance, actée au patrimoine mondial de l’UNESCO, fut construite en 1920. Aujourd’hui transformée en bureaux et en vitrine de l’éco-construction, elle servait originellement de logement pour l’ingénieur des mines et sa famille.
crédit : CD2E
A l’abandon depuis quelques années et dans un piètre état, elle se voit incluse dans le vaste projet « Réhafutur », porté par le Cluster Ekwation et divers partenaires, visant à démontrer la pertinence de l’éco-rénovation. Le rôle dans ce projet de cette vaste demeure de 395 m² habitables sera multiple : prouver qu’un standard passif peut être atteint en rénovation via des éco-matériaux, être un labo de l’éco-rénovation, servir de lieu pédagogique via notamment une salle d’expo permanente et des visites, et enfin, abriter le Cluster Ekwation en vue de ses futures missions.
La mission d’accompagnement technique de ce vaste chantier est confiée à François Leroy, d’Impact Conseil Ingénierie. « La première étape a été de définir la faisabilité du projet, son programme technique et bien entendu le coût total. Un appel d’offres a été lancé auprès de groupements composés d’architectes et d’entrepreneurs, afin d’obtenir dès le départ une proposition homogène en termes de compétences. »
Le projet a pour principale originalité de proposer 4 isolants différents pour les 4 façades du bâtiment. Et uniquement des éco-matériaux s’il-vous-plaît ! C’est ainsi que la façade nord-est est isolée avec 35 cm de laine de mouton déroulée au sein d’une ossature sur la hauteur du bâtiment. La façade nord-ouest utilise la même mise en œuvre mais avec 37 cm de fibres de lin, matériau local, réminiscence des industries textiles de la région. Au sud-ouest, c’est de l’ouate de cellulose insufflée dans des caissons de 35 cm et au sud-est, une épaisseur identique offre une protection thermique à l’immeuble, mais via des blocs de béton de chanvre maçonnés. Chaque paroi est complétée d’un pare-vapeur, assurant une étanchéité à l’air.
crédit : CD2E
crédit : Samuel Dhote
L’ancien sol du rez-de-chaussée, en briques, monté sur une structure métallique s’ancrant sur les murs est cassé et évacué. Les anciens carrelages sont récupérés. Le squelette métallique est conservé et servira de support à un nouveau sol composé de bacs acier sur lesquels sont posés des panneaux de liège. Une chape de béton est coulée, et la finition fait appel aux carrelages récupérés. Le plafond de la cave sera isolé avec du Métisse, un matériau composé de tissu recyclé, fabriqué localement par une entreprise d’économie sociale.
C’est le même schéma qui sera appliqué pour les étages : le parquet est déposé, mais les solives conservées et recouvertes de panneaux de fibres de bois de 8 cm d’épaisseur puis recouvert du parquet d’origine. L’épaisseur du plancher est isolée par 30 cm de Métisse.
crédit : Samuel Dhote
Le toit voit sa couverture changée : de nouvelles tuiles qui recouvrent un pare-pluie, un vide ventilé, un panneau de fibre de bois de 8 cm abritant une isolation de 30 cm en laine de bois. Un pare-vapeur et une plaque Fermacell en finition, complètent cette paroi performante.
Vu l’isolation très performante, le chauffage fonctionne uniquement via la VMC à double flux avec échangeur de chaleur. Il n’y a vraiment que lors de froids prolongés ou lorsque le bâtiment est sous-occupé (un bâtiment passif est également chauffé par la présence de ses occupants) qu’un appoint est fourni par une petite chaudière au gaz à condensation alimentant quelques radiateurs.
Les châssis sont à triple vitrage haute performance (U=0,8) en bois intégral, peints en blanc en face extérieure afin de respecter la typologie traditionnelle des bâtiments du bassin minier Lensois.
Le résultat ? Un respect de la norme ENERPHIT avec un standard passif atteint. La consommation d’énergie pour le chauffage est spectaculaire, équivalente à 30 Kw/m²/an, soit 10 fois moins que le même bâtiment avant rénovation !
La rénovation passive n’est pas le seul atout de cet immeuble. Il est également un véritable laboratoire de terrain. « Un équipement de monitoring a été installé via des capteurs. Il y en a partout dans le bâtiment », détaille François Leroy. « L’ensemble des consommations d’énergie sont mesurées en direct, rassemblées, centralisées et analysées par le laboratoire de l’université d’Artois. Cela nous permet de dresser un tableau de bord très fin des consommations en fonction des heures, des saisons, du nombre de personnes dans le bâtiment, etc. »
Et ce n’est pas tout. Le projet étant orienté « éco-matériaux », ces derniers font également l’objet d’une étroite surveillance. « Des capteurs ont également été placés dans les murs. La capacité des isolants, la conductivité thermique et le comportement hygroscopique : ces données sont mesurées en temps réel et recoupées avec les données climatiques. Cela nous permet de connaître précisément les réactions de chaque isolant en conditions réelles. »
crédit : CD2E
Voilà de quoi permettre à la fois une connaissance de terrain plus fine des éco-matériaux, et une validation scientifique de leur efficacité, notamment sur un de leurs avantages bien connu, la gestion performante de l’humidité. L’idée est d’utiliser les résultats du projet pour étendre l’éco-rénovation à un territoire plus large et de pouvoir conseiller utilement en fonction de chaque cas, via des données objectives.
Type de bâtiment : Habitat individuel transformé en bureaux
Localité : Loos-en-Gohelle
Surface du bâtiment : 395 m²
Date de construction initiale : 1920
Date de rénovation 2014 à 2015
Consommation énergétique : 31 Kwh/m²/an pour le chauffage
115 Kwh/m²/an au total avec domestique
Architecte :
Groupement conception réalisation
Mandataire : CATHELAIN
Architecte : ARIETUR
Entreprise(s) ayant collaboré au projet
NOVEBAT - CATHELAIN (gros œuvre)
SME (charpente)
NOVEBAT – CATHELAIN (couverture)
Coin Frères (menuiseries extérieures)
Isolants
Toit : fibre de bois (30 cm)
Murs :
Selon orientation :
laine de mouton (35 cm)
ouate de cellulose (35 cm)
béton de chanvre (35 cm)
fibre de lin (37 cm)
Plancher :
Liège (8 cm)
Métisse (25 cm)